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marseillaise




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De ce deuxième fonds relèvera la création, mi-octobre au Théâtre du Pavé, d'Olympe de Gouges, j'ai dit ! consacré, on le devine, à la montalbanaise Marie Gouzes, auteure en 1791 de la Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne, guillotinée en 1793 pour avoir assumé jusqu'au bout sa place de femme et de citoyenne, justement. Au premier registre, par contre, appartiennent indéniablement ces Taxis de nuit que la Tortue porte à la MJC Roguet : la parole et les silences de la femme sans visage qu'un taxi prend à la rue, qu'un taxi rend à la vie.

 "Vous n'êtes pas forcé de rouler trop vite, je ne suis pas pressée"

La ville se déroule, creusée de lumières froides, par la lunette arrière. A la radio, Joe Strummer chante London Calling. Deux taxis, deux femmes : l'une, agacée, tentant vainement de joindre l'autre au téléphone ; l'autre nerveuse, inquiète, constatant en fond de sac l'oubli de son téléphone portable. Une mère, une fille, en route l'une vers l'autre en cette nuit particulière.
Plus tard. Retour dans le même taxi, de l'hôpital où elle viennent de voir le père mourant. Dans la lunette arrière, la nuit semble avoir dévoré la ville. Plus une lumière. Et les mots montent, banals, si difficiles pourtant : "Tu veux que je te dépose ? – Si tu veux, je veux bien. – Tu vas où ?" Car dix ans ont passé ; dix années dont on ne saura pas grand chose sinon que la fille a grandi loin de sa mère, de son père ; dix ans écoulés en trois vies séparées, vécues sur autant de scènes par cette famille de théâtre ; dix années de faux oubli, de distances infranchies, de souci tu.
Des questions rares, floues – "tu vois toujours quelqu'un ?" – des reproches à peine esquissés, le contact aussi rare que l'éclat dans le mystère des visages détournés. Emergeant de ce clair-obscur de non-dits, quelques souvenirs, quelques aveux apparus comme des îles : une vieille boîte à musique, les premiers pas sur scène, l'inquiétude. L'amour, malgré tout, qui s'impose en dépit du silence et des mots. Puis l'arrivée. Le taxi s'arrête. Le téléphone sonne. L'hôpital...

 

Survivre pour que vive

 

Les familiers du Clou le savent, nous n'avons pas toujours été tendres avec les créations du Théâtre de la Tortue, qu'une conviction militante fort respectable pousse trop souvent à la démonstration de poids, à l'emphase – bon, disons à un enthousiasme excessif dans ses portraits de femmes/flammes, Louise Michel ou Camille Claudel. Pourtant, le théâtre a souvent démontré que c'est avec le moins qu'on fait le plus, qu'il n'est rien de plus extraordinaire que notre humaine banalité, et c'est sans étonnement qu'on découvre dans ces Taxis de nuit un vrai bonheur de scène.
Car il n'y a finalement pas grand-chose là-dedans : une vague histoire comme tant de familles en connaissent, et à peine formulée ; la relation pas vraiment rompue, pas vraiment renouée d'une mère et de sa fille (mais qui pourrait aussi bien être, quelques notations mises à part, celle d'un père à son fils ou toute autre variante de cette configuration minimale) ; de longs silences, des paroles sans éclat. Et sur scène guère plus : un écran où roulera brièvement la ville, deux chaises, l'évocation toute théâtrale d'une banquette arrière de taxi, deux états pour la lumière ombreuse, point.
Il n'en faut pas plus, tant Cathy Brisset et Delphine Ory donnent de corps à ces deux caractères. La première est écorchée, seule, parvenue au bout de tout. Elle ne laisse pourtant presque rien paraître de son besoin, de sa crainte de dire sa souffrance, comme elle retient le geste, le mot qui dirait à sa fille l'amour qu'elle lui porte et qui les étouffe l'une et l'autre. Qui éclatera, pourtant : "Je survivais pour que tu vives !" A l'autre bout du siège, la figure en pendant d'une fille enfuie pour échapper à l'étreinte, gagner sa liberté dans la distance, n'y trouver que sa propre part de solitude. Un aveu en écho : "Si je te disais que j'ai besoin de toi ?" Tard, bien tard, dans le temps du théâtre comme de l'histoire. Trop tard ?
Et tout cela en aussi peu de mots que de gestes, par la fuite du regard, l'épaule détournée, le souffle plus que la voix. La démonstration, s'il en était besoin, qu'au théâtre l'homme est tout. Au sens générique du mot "homme", s'entend... ||

 

 

Jacques-Olivier Badia



 

 

 

 

 
 



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